PARACHOT TAZRIA-METSORA

Publié le par Initiative Rabbinique

PARACHOT TAZRIA-METSORA

                                                            La connaissance des siens

 

            Lorsqu’une affection de la peau se déclarait, on emmenait l’homme en question chez un prêtre pour que celui-ci se prononce sur la pureté et l’impureté de celui qui était frappé dans ses tissus épidermiques pour avoir porter atteinte au tissu social par sa médisance. « Le prêtre verra la plaie » (Lev 13, 3). Le visionnement de la plaie par le prêtre est fondamental pour le prononcé du diagnostique : « le prêtre le verra et il le déclara impur » (ibidem).

Au-delà du rôle pratique du regard lors de l’auscultation, il semble que le regard participait, par son intervention, à la réparation des méfaits causés par une mauvaise utilisation de la parole. Avec un regard plus clairvoyant, plus distant de soi, plus compréhensif, l’homme n’aurait peut-être pas énoncé certains propos. C’est en changeant son regard que l’on transforme sa parole.

           
Le prononcé du diagnostique exige la présence d’un prêtre : « il sera emmené au prêtre » (Lev 13, 2). Mais si un prêtre est touché lui-même par une affection de la peau, a-t-il le droit de s’examiner lui-même et de se déclarer pur ou impur ? La Michna de Negaïm (2, 5) répond sans équivoque : « un prêtre examine toutes les plaies exceptées celles qui le frappent lui-même ».

Le verset dit bien : « il sera emmené au prêtre ». L’homme doit être conduit vers le prêtre. Le prêtre ne peut s’auto-diagnostiquer. On imagine bien l’une des explications possibles à cette modalité : l’homme est trop proche de lui-même pour se juger objectivement, sans arrière pensée ni ruse de la conscience. Le prêtre ne peut ici être son propre juge. Il a besoin, comme chacun, d’un prêtre incarnant la parole divine et gardien de la Torah et de la connaissance. C’est le caractère absolu de la loi qui aide l’homme à se juger, à se positionner lui-même dans l’économie morale du monde.

           

Puis, la Michna citée plus haut poursuit en exposant une discussion entre les Sages et Rabbi Méir : un prêtre a-t-il le droit d’examiner les plaies qui frappent ses proches ? Les Sages répondent par l’affirmative. Rabbi Méir soutient le contraire et cite le verset du Deutéronome (21, 5) : « Selon la parole [des juges] sera tranchée tout conflit, toute plaie… » : de même qu’un juge ne peut trancher dans un conflit où l’un de ses proches est concerné, de même un prêtre ne peut se prononcer sur la plaie frappant l’un de ses proches.

           
Peut-on avoir une vision claire, réelle et juste de nos proches ? La proximité familiale nous rend-elle naturellement subjectifs, donc cultivant une inexacte appréhension des choses ? C’est peut-être l’enjeu du débat qui oppose les Sages à Rabbi Méir.

Et fait, les deux points de vue sont justes car la réponse aux questions posées dépend de notre faculté de recul, de notre capacité à ouvrir les yeux et à reconnaitre la vérité. Tout dépend aussi de notre compréhension et de notre perspicacité.

Il n’est jamais aisé d’accepter qu’un proche ne soit pas exactement comme on aurait voulu qu’il soit ou comme l’idée que l’on s’en ait fait. La réécriture de l’histoire est alors un procédé classique mais illusoire.

           
La loi a été tranchée conformément à l’avis des Sages : un prêtre pourra examiner les plaies qui frappent l’un de ses proches. C’est peut-être là une manière d’inviter les hommes à ouvrir leurs yeux sur leur entourage, non pour faire mal ou se faire mal, mais au contraire, pour s’aider et aider, à l’instar du prêtre, à établir une relation juste, c'est-à-dire porteuse de paix.  

 

 

Rabbin Jacky Milewski

Publié dans PARACHA DE LA SEMAINE

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