MATOT MASS'E

Publié le par Initiative Rabbinique

Chaque semaine nous vous proposerons une étude sur le Paracha de la semaine ,avec comme leitmotiv,"la Tora aujourd'hui" ou comment la Tora repond aux questions de notre temps. bonne etude . RMJ

PARACHAT MATOT


"Une double vengeance
" 

Au début du chapitre 31 des Nombres, D… dit à Moïse : « Exerce la vengeance des enfants d’Israël à l’encontre des Midianim ». Qu’ont fait les Midianim pour mériter la vengeance des enfants d’Israël ? A la fin de la sidra de Balak, la Torah raconte que les Midianim ont poussé le peuple juif à s’abandonner au culte idolâtre et à la débauche sexuelle. Ecart moral qui a ensuite coûté la vie à 24000 enfants d’Israël (Nb 25, 9).

 

            Moïse transmet ensuite le commandement de D… au peuple mais en modifiant la formulation : « Qu’ils aillent contre Midian exercer la vengeance de D… contre Midian ». Ce n’est plus la vengeance des enfants d’Israël dont il s’agit mais de la vengeance de D… . Mais pourquoi Moïse n’a-t-il pas repris simplement l’énoncé divin ?

 

            Le Keli Yakar explique  :

 

            Les midianim ont doublement fauté puisqu’ils ont porté atteinte à D… et aux enfants d’Israël. Ils ont fauté contre D… puisqu’ils ont poussé le peuple à l’idolâtrie et à la débauche et ils ont péché contre Israël puisqu’ils provoqué la mort de 24000 d’entre eux.

 

            D… dit à Moïse « Exerce la vengeance des enfants d’Israël », non pas la mienne mais celle d’Israël. Moi, Je pardonne mais Je ne pardonne pas pour le mal qu’ils ont commis à Mon peuple. Mais Moïse modifie l’intitulé du commandement car D… lui avait dit : « Exerce la vengeance des enfants d’Israël, après quoi tu mourras ». Moïse savait combien le peuple tenait à lui. La nation se sentirait complètement perdue si après avoir perdu Miriam et Aaron, le troisième berger disparaissait aussi. Aussi, Moïse craignait que les enfants d’Israël tiennent le raisonnement suivant : « Nous savons que la mort de Moïse dépend de l’application de notre vengeance. Or nous ne voulons pas que le prophète meurt. Donc nous remettons notre vengeance à plus tard. Moïse ne voulait que le peuple lui sauve la vie en reléguant à plus tard l’accomplissement de la volonté divine. C’est pourquoi il parla de la vengeance de D… et non de celle d’Israël. Car si D… exige qu’on Le venge, on ne peut que s’exécuter immédiatement. On peut renoncer à notre vengeance mais non à celle ordonnée par D… pour D… . C’est pour cela que Moïse a présente l’affaire ainsi.  

 

            Observons que si l’injonction de vengeance contre Midian n’avait pas été donnée par D…, les enfants d’Israël ne se seraient pas vengés. D’ailleurs, il semble que ce soit là la nature des Juifs : ils ne se vengent pas. Après la Choa, les rescapés et les survivants auraient pu se venger. Pourtant très rares sont ceux qui l’ont fait. Cela ne veut pas dire que les Juifs n’espèrent pas en l’application d’une certaine justice à l’égard de ceux qui les ont fait souffrir, justice qui porterait le masque de la vengeance. Mais cela veut dire qu’ils ne veulent pas l’appliquée eux-mêmes. L’expression consacrée est bien connue : « Que D… venge son sang ». Et quand il est question de la vengeance dans la Bible, c’est toujours par rapport à D… . D’où l’image du D… des Juifs comme un D… vengeur. Mais ceux qui le proclamaient n’avaient pas compris que c’est ce que les Juifs n’étaient pas capables de faire eux-mêmes qu’ils laissaient pour D… .

 

            La nature profonde d’Israël ne supporte pas l’utilisation de la violence. Elle est passion pour la paix. Cette paix est notre espoir ultime, notre raison de vivre. 

 

 

 

 

 PARACHAT MASS’E

 

                                                            6 et 42 font 48

 

           

La dernière sidra du livre des Nombres détermine les frontières du pays d’Israël. Dans ce cadre, le texte biblique dresse la liste des douze représentants des douze tribus d’Israël qui devront prendre possession de la terre. C’est alors qu’il est question de la tribu de Lévi puisqu’elle n’a pas de lot territorial en terre promise : « Voici les villes que vous donnerez aux lévites : les six villes de refuge où l’assassin par inadvertance peut se réfugier [pour échapper à la vengeance légitime des proches de la victime] et en plus d’elles, vous donnerez quarante deux villes » (Nombres 35, 6 et 7).

 

            En fait, les quarante deux villes étaient aussi des villes de refuge pour les meurtriers involontaires ainsi que le Talmud (Makot 10a) le déduit du verset « et en plus d’elles (vehalehem), vous donnerez quarante deux villes ». En effet, le verset n’a pas dit simplement « et aussi quarante deux villes « mais « et en plus d’elles », sous entendu « vous donnerez des villes qui auront le même statut que les six ». Mais quelle serait alors la particularité des six villes ?

 

            Les six villes sont avant out des villes de refuge et seulement ensuite des villes de lévites (puisque le verset dit bien que ce sont les villes de refuge qui seront données aux lévites). Les quarante deux autres sont avant tout des villes de lévites et seulement ensuite des villes de refuge puisque le verset ne parle clairement que de six villes et que les quarante deux autres sont déduites d’une exégèse. Conséquence pratique de ce distinguo : les six villes de refuge assument leur rôle que le meurtrier s’y rende consciemment ou non contrairement aux quarante deux villes qui ne servent de refuge à l’assassin par inadvertance que si celui-ci s’y est rendu consciemment, c'est-à-dire qu’il sait que la ville en question est aussi une ville refuge. Autre incidence : le meurtrier involontaire devait payer le prix de sa maison dans les quarante villes mais non dans les six principales (Yoma 10a et 13 a et Lois sur le meurtrier 8, 10 de Maïmonide).

 

            Le Keli Yakar propose un éclairage intéressant concernant notre sujet. Voici le fil directeur de sa pensée : les quarante deux villes correspondent aux quarante deux étapes effectuées dans le désert par les enfants d’Israël, rapportées précisément au début de la paracha. Ces quarante deux étapes se réfèrent à une période d’errance pour le peuple où celui-ci est étranger partout où il campait. Dans les quarante deux étapes, les enfants d’Israël étaient des étrangers, nulle part chez eux. De même, il a été donné aux lévites, qui n’ont pas reçu de terre dans le pays promis, quarante deux villes comme pour traduire leur situation. Les lévites n’ont pas de territoire, simplement des villes ici ou là, des étrangers partout. D… est leur lot.

 

            C’est dans cette perspective que le Keli Yakar explique que les villes des lévites étaient aussi des villes refuge. En effet, l’assassin involontaire par en exil et s’installe dans un lieu qui n’est pas le sien. Sa conscience de meurtrier se voit augmenter de celle de l’étranger, du nouveau venu que l’on regarde sous toutes les coutures. Si les villes de refuge n’avaient pas été des villes de lévites, les habitants auraient pu faire comprendre à l’assassin qu’il n’est qu’un étranger, de passage et qu’il n’est pas forcément le bienvenu. Mais chez les lévites, jamais le meurtrier ne pourra entendre de tels propos puisque les lévites ont une conscience exacerbé de leur caractère d’étranger. «Vous connaissez l’âme de l’étranger puisque vous-mêmes, vous le fûtes » (Ex 23, 9).

            Que l’étranger ne se sente pas étranger était déjà une importante préoccupation de Joseph, vice roi d’Egypte, « qui a installé le peuple [d’Egypte] dans les villes » du pays de pharaon. Pourquoi cela ? Pour que les égyptiens se sentent aussi des étrangers dans ces grandes villes, eux qui venaient de la campagne bordant le Nil et qu’ils ne puisent, de ce fait, accuser les hébreux d’être des étrangers (cf. ‘Houlin 60b). Mais malheureusement, les enfants de ces égyptiens qui étaient nés là où leurs parents avaient émigrés ne se sentaient plus étrangers. C’est alors que certains de leur bon droit de se trouver chez eux, ils ont commencé à persécuter ceux et celles qu’ils considéraient comme des étrangers…

 

            Le judaïsme se situe aux antipodes de ce comportement puisqu’il invite constamment l’autochtone à se considéré comme un étranger : « Car la terre est à Moi, car vous n’êtes que des étrangers domiciliés chez Moi » (Lv 25, 23). Ainsi, même sur sa terre, le Juif n’oublie pas qu’il est l’hôte du divin.


Rabbin Jacky Milewski

Publié dans PARACHA DE LA SEMAINE

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