USA/ Regardez de près le vote juif

Publié le par Initiative Rabbinique

USA/ Regardez de près le vote juif

Les rabbins ultra-orthodoxes appelent l'électorat juif américain à se mobiliser pour les primaires et les présidentielles. Parce que l'Amérique change...

Par MICHEL GURFINKIEL

L'organisation ultra-orthodoxe Agoudath Israël of America appelle les Juifs américains à participer massivement aux élections présidentielles de 2008, tant au niveau des primaires, scrutins internes aux deux grands partis, que de l'élection proprement dite, au niveau national, qui se déroulera le 4 novembre.

Pourquoi ? Parce que la sécurité d'Israël est en jeu : « Nous avons le devoir de voter en prenant en considération les intérêts de nos frères en Israël… » , affirme l'organisation.  « La Providence a fait en sorte que, de nos jours, l'Amérique soit la principale grande puissance chargée de prendre soin du peuple juif vivant à Sion et disposée à lui porter secours face aux soixante-dix loups qui se dressent autour de lui pour le détruire… Nous avons le devoir de participer massivement aux élections présidentielles de 2008, à la fois par reconnaissance envers l'Amérique et pour nous assurer qu'elle restera dans les mêmes dispositions… »  

A première vue, le propos est banal : depuis soixante ans, la solidarité avec l'Etat d'Israël ne constitue-t-elle pas une priorité absolue pour la plupart des Juifs américains ? Mais quand on y regarde de plus près, les choses sont moins claires. Tout d'abord, pourquoi une organisation juive majeure, comme l'Agoudath Israël of America, éprouve-t-elle le besoin de lancer un tel appel ? Traditionnellement, les Juifs américains ont toujours été des électeurs modèles, et fait preuve d'une participation supérieure à la moyenne à toutes les élections. Ce qui démultipliait leur influence sur la politique locale ou nationale.

Considérons, au niveau local, un Etat où les Juifs constituent 1 % de l'électorat. Si leur participation est de plus de 80 % alors que la participation moyenne, aux divers scrutins, se situe entre 30 et 50 % (le cas est très fréquent), leur poids électoral réel se situe entre 2 ou 3 %. A plus forte raison dans un Etat (New-York, New-Jersey, Connecticut, Floride, Californie) où les Juifs constituent de 5 à 10 % de l'électorat.

Au niveau national, le président étant élu à un scrutin indirect, à deux degrés, où il doit obtenir la majorité absolue dans une majorité d'Etats très peuplés, « l'effet de levier » d'une communauté juive « survotante » se répète, avec plus de force encore.

Les Juifs américains – 10 millions aujourd'hui si l'on compte l'ensemble des citoyens d'origine juive, moins de 5 millions si l'on compte les citoyens faisant partie d'une institution juive, telle qu'une synagogue – continuent à voter plus massivement que leurs concitoyens non-juifs. Mais ces derniers tendent, depuis quelques années, à s'inscrire plus souvent sur les listes électorales et à voter plus régulièrement. C'est vrai, en particulier, des « minorités », des communautés non-blanches, non-anglophones, non judéo-chrétiennes. A terme, cette irruption de la « deuxième Amérique » risque donc de nanifier, en termes électoraux et donc politiques, la communauté juive.

Dans un tel contexte, le taux traditionnel de participation électorale ne suffit pas. Les Juifs doivent désormais voter à 100 % pour garder leur poids politique.

Deuxième singularité que révèle l'appel de l'Agoudath Israël of America : les ultra-orthodoxes, qui adoptaient en théorie une attitude « antisioniste » depuis 1912 (dans la mesure où le sionisme se présentait comme un nationalisme laïque), sont devenus de facto les meilleurs défenseurs d'Israël aux Etats-Unis, avec le mouvement « orthodoxe moderne », qui suit les enseignements du rabbin allemand Shimshon Raphaël Hirsch et du rabbin américain Joseph Dov Soloveichik.

L'Agoudath Israël of America ne se prononce ni pour les démocrates, ni pour les républicains. Elle ne prend parti ni pour Barack Obama, ni pour Hillary Clinton, ni pour John MacCain, ni pour Mitt Romney, ni pour Mike Huckabee. Mais le ton qu'elle emploie suffit. Barack Obama, c'est la « deuxième Amérique ».  Celle dont la montée entraîne, de façon quasi-mécanique, le déclin du judaïsme en tant que facteur politique.

Le choix, dès lors, est clair. Chez les démocrates, plutôt la sénatrice de New York,  Hillary Clinton, que le sénateur de l'Illinois, Barack Obama, musulman propalestinien – jusqu'à ce qu'il soit élu sénateur, il était présent à toutes les manifestations propalestiniennes, y compris celles où paradait Edward Said - tentant de se faire passer pour un chrétien modérément – très modérément - proisraélien. Et au niveau national, plutôt les républicains que les démocrates.

La plupart des Juifs orthodoxes ou ultra-orthodoxes – 20 % environ de la population juive américaine, soit un peu plus d'un million d'âmes sur un peu plus de cinq millions - ont compris.

Et la plupart des Juifs non-orthodoxes – jusqu'ici acquis au parti démocrate - comprennent peu à peu, à mesure que pâlit, de primaire en primaire, l'étoile de Mme Clinton.

© Michel Gurfinkiel, 2008

Publié dans COMMUNIQUE

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