Edito du Rabbin Mikael JOURNO
Le problème de la langue, celui du revenu minimum, le contrat d’accueil et d’intégration, les tests ADN pour le contrôle du regroupement familial, toutes ces nouvelles dispositions que les deux assemblées viennent de voter reflètent de toute évidence un infléchissement de la politique d’immigration de la France.
Les juifs, marqués par leur Histoire, ne peuvent qu’être interpellés par ces mesures qui visent à ralentir le flux migratoire vers l’Hexagone.
Souvenons-nous ! Les Juifs, en France, furent à un moment ou un autre des migrants. Qu’ils soient venus des rives de la Méditerranée ou quelques années plus tôt de l’Europe de l’Est, ils furent heureux alors de trouver une terre d’accueil qui leur ouvrit les bras, au point où « heureux comme un Juif en France » tiré d’un dicton yiddish, devint leur bannière.
Du point de vue de la tradition juive, la Thora enseigne à l’homme d’aimer, de respecter l’étranger, car rappelle-t-elle « tu n’opprimeras pas l’étranger, ni ne le molesteras, car vous-même avez été étranger en terre d’Egypte » (Exode 22 ,20).
Cependant, l’étranger, à l’instar du citoyen lambda qui habitait en terre d’Israël au temps biblique avait des droits, mais aussi des devoirs, dont ceux de respecter la part de leur « contrat d’intégration » en respectant les sept lois noahides, dites lois universelles !!
L’instauration d’un test génétique aux fins de vérification ou d’authentification d’une personne d’une même famille peut soulever, avec âpreté, le problème de la dignité de la personne humaine.
Comme le rappelle Bernard-Henri Lévy « dans une démocratie, on ne touche pas à ces histoires de preuve par le sang ».
Pour certains, cela évoque par analogie, les lois raciales de l’Allemagne nazie et plus proche de nous de la doctrine du Front National : droit du sang contre droit du sol qu’offre l’obtention de la nationalité.
Concrètement, la conscience -collective, individuelle-, de la société, risque de retenir que ce n’est que le sang qui détermine la nationalité.
Toute introduction du biologique dans le politique doit être examinée avec une attention toute particulière.
De ce fait, introduire la génétique dans l’ère d’une utilisation non plus exclusivement médicale ou judiciaire, mais dans des considérations politiques, crée la brisure d’un tabou et un précédent dangereux, dont un pouvoir politique pourrait l’utiliser à des fins moins avouables,un jour ou l’autre.
Sur un plan humain, un enfant adopté est-il moins le fils de son père et de sa mère adoptifs ?
Les liens d’amour ne sont-ils pas aussi forts que ceux du sang ?
A l’opposé, s’il y a fraude au regroupement familial et si 56% de français sont favorables aux tests ADN, cela met en lumière l’échec politique de l’immigration menée par les gouvernements successifs, de tous bords.
En terme religieux, avant d’apporter assistance à autrui, il faut apporter assistance à soi-même. Précisons. Dans un pays, comme la France, où le taux de chômage est élevé, ou la recherche d’un logement est un véritable parcours du combattant, peut-on, doit-on, ouvrir les frontières et accueillir de nouveaux immigrants ?
La République Française, le gouvernement Français accueilleraient très vraisemblablement d’autres candidats à « l’eldorado » Français, au nom de ses principes, et si elle avait la possibilité, d’accueillir davantage, mais également de les intégrer à l’instar de ses autres citoyens et mettre en pratique « une seule et même loi régira le citoyen et l’étranger demeurant au milieu de vous » (Exode 12,49).
La polémique suscitée par les tests ADN ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, en d’autres termes, cette malheureuse affaire des tests ADN ne doit pas masquer ce difficile dilemme : les limites de l’amour du prochain.
Mikaël JOURNO
Rabbin de Fontenay aux -Roses et de sa région
Président du Collectif pour l’Initiative Rabbinique (C.I .R)
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